Tout reste à faire pour mieux surveiller les Jevi
Depuis 2019 et l’abandon d’une partie des Bulletins de santédu végétal en Jevi, la surveillance y est tronquée. Si un nouveau système, en dehors du plan Ecophyto, est évoqué depuis plusieurs mois, il n’a pour l’instant pas été mis en place.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
La filière Jevi (jardins, espaces verts et infrastructures) rassemble une très grande diversité de compartiments végétalisés, publics ou privés, au sein des parcs, des jardins, des espaces verts et des voies de communication. Cette diversité rend la surveillance plutôt complexe. D’autant plus que les enjeux sont variés : accueil de public, proximité des habitations, nécessité de garantir la qualité paysagère…
Cette surveillance s’articule autour des plusieurs axes. D’abord, l’épidémiosurveillance, instaurée en 2009 dans le cadre du plan Ecophyto. Puis la surveillance des organismes nuisibles réglementés et/ou émergents (Sore) dans les espaces verts et infrastructures. Des contrôles sont également effectués, dans le cadre du passeport phytosanitaire ou lors des contrôles à l’importation et à l’exportation. La surveillance officielle des forêts, effectuée par le réseau du département de la santé des forêts (DSF), contribue également à celle dans les espaces verts. En effet, certaines espèces végétales étant similaires aux deux milieux, les ravageurs le sont aussi. On peut aussi citer une surveillance non officielle, événementielle, au travers d’applications ou de sites faisant appel aux sciences participatives, notamment*. C’est par exemple le cas de l’appli Agiir. Conçue par l’Inrae, elle aide à identifier des insectes invasifs afin de signaler leur présence, grâce à un outil de reconnaissance et de gestion au moyen de l’image.
Malheureusement, depuis 2019, cette surveillance en Jevi n’est plus complète. En juillet de l’année dernière, les quatre ministères (Santé, Agriculture, Écologie et Recherche) en charge d’Ecophyto ont pris la décision de réduire le budget attribué au réseau national d’épidémiosurveillance (DROM compris), de 9 à 7 millions d’euros, soit une baisse d’environ 23 % par rapport à 2018, alors que le budget était plutôt constant ces dernières années.
Ecophyto fonctionnant en financement autonome grâce à la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), l’argent a été réaffecté à la recherche en santé en lien avec les produits phytosanitaires. Il semblerait que, parmi les causes de la diminution du budget, il y ait au sein des décideurs financiers du plan Ecophyto une défiance envers l’efficacité de l’épidémiosurveillance quant à la moindre utilisation de phytosanitaires. La baisse au niveau national a été répartie à part égale dans chaque région. Ce sont ensuite les comités régionaux d’épidémiosurveillance, pilotés par les chambres régionales d’agriculture, qui ont décidé de la marche à suivre.
Des bulletins abandonnés
Dans de nombreuses régions, la décision a été prise d’abandonner les Bulletins de santé du végétal (BSV) consacrés aux Jevi. Sur les douze réseaux existants en 2018, seuls six ont été maintenus en 2019 (Auvergne-Rhône-Alpes, Bretagne, Corse, Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire, Paca). Cette réduction ne permet plus d’avoir une vision nationale sur les problématiques phytosanitaires. Dans sa synthèse nationale d’épidémiosurveillance dans les Jevi, l’association Plante & Cité s’alarme : « La diminution du nombre d’éditions de BSV Jevi en 2019 ne permet plus d’avoir une vision nationale sur les problématiques phytosanitaires spécifiques à ce type d’espaces. »
La mesure a des impacts importants, comme le souligne Jérôme Jullien, expert de la surveillance biologique à la DGAL (Direction générale de l’alimentation). En effet, la majorité des organismes nuisibles réglementés risquent de se retrouver à la fois dans les jardins et dans les zones de production agricole. Les Jevi peuvent constituer des réservoirs importants susceptibles de contaminer ou de réinfester les forêts ou les surfaces cultivées. Un manque de surveillance dans ces milieux pourrait donc avoir des conséquences importantes en matière de risques phytosanitaires.
À la suite de la diminution du budget, un nouveau système de surveillance devait être mis en place en espaces verts. D’autant plus que le fait de dépendre des chambres régionales d’agriculture et d’être rattaché au plan Ecophyto était problématique pour certains. En effet, il n’est pas tant question de réduction du recours aux produits phyto, peu utilisés en espaces verts, hormis pour le désherbage, que de la détection des ravageurs et de la surveillance de leurs cycles biologiques.
« Cet aspect de surveillance des organismes n’a pas été compris dès le début dans le plan du réseau d’épidémiosurveillance, estime Jérôme Jullien. Il y avait une incitation à réduire les pesticides alors qu’il faudrait mettre davantage l’accent sur la surveillance du territoire. » De plus, avec la loi Labbé (lire l’encadré page 27), les collectivités n’ont, de toute façon, plus la possibilité d’utiliser des produits phytosanitaires dans une grande partie des espaces verts publics. Et ces interdictions devraient s’élargir à de nouveaux lieux dans les prochaines années.
Un nouveau réseau d’épidémiosurveillance est donc dans les tiroirs depuis l’abandon d’une partie des BSV en zones non agricoles. La volonté est de faire reconnaître l’utilité de la surveillance dans les espaces verts, afin de suivre des éventuels foyers d’organismes réglementés. Mais avec la crise sanitaire actuelle, le projet est en attente.
Surveillance des nuisibles réglementés ou émergents
En parallèle de l’épidémiosurveillance, une surveillance des organismes nuisibles réglementés ou émergents (Sore) est effectuée. Elle est privilégiée dans les villes d’au moins 10 000 habitants ayant un certain nombre d’espaces végétalisés (parcs, jardins publics, arbres d’alignement…). Dans ces agglomérations, les Jevi peuvent être prospectés par tranches successives durant deux à cinq ans, pour couvrir peu à peu tous les secteurs plantés.
Outre les grandes villes, les zones portuaires et aéroportuaires ou encore les marchés d’intérêt national (MIN) sont des lieux de surveillance prioritaire, même s’ils sont peu végétalisés. Ils sont en effet concernés par des introductions régulières et parfois importantes de végétaux et produits végétaux à risque phytosanitaire. Ils sont donc susceptibles de favoriser l’introduction et la dissémination d’organismes réglementés dans les plantations avoisinantes, notamment au sein des jardins, espaces verts et infrastructures, publics ou privés, les plus proches.
Risques d’introduction et de dissémination
« Il faudrait aussi mieux maîtriser les flux de végétaux vers l’UE et les pays tiers, ajoute Jérôme Jullien. Tout le monde est loin d’échanger des plants avec passeport phytosanitaires [NDLR : obligatoire depuis le 14 décembre 2019]. » Les jardiniers réalisent de fait de nombreux échanges de semences, de boutures, de bulbes et de plants, y compris par le biais de colis postaux ou d’achats en ligne, sans inspections phytosanitaires préalables. Ils peuvent être à l’origine de l’introduction d’organismes nuisibles exogènes.
Mais les contrôles effectués dans le cadre de la Sore et du passeport phytosanitaire ne suffisent pas à une surveillance efficace du territoire. Il devient donc urgent de mettre en place un système d’épidémiosurveillance dédié aux espaces verts.
*Lire aussi « Les sciences participatives comme outil de surveillance » dans Le Lien horticole n° 1093, page 30).
Pour plus d’information sur la surveillance des organismes nuisibles réglementés ou émergents : voir l’instruction technique DGAL/SDQSPV/2020-316 du 27 mai 2020.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :